Bonjour conscience, ou plutôt devrais-je dire « Bonjour tristesse »,

 

Me revoilà avec encore moins de choses à raconter, ne m’en tiens pas grief, la seule cause de cette absence est le changement. Plus je vis, moins j’éprouve le besoin de t’empoisonner à coup de bols d’une infecte soupe de mots, pleine d’idioties flottant comme des grumeaux à la surface.

 

Comment raconter un siècle de mon existence sans lyophiliser le délicat fumet de la souffrance écrasée par la saveur de l’ambition et du bonheur ?

 

Moi qui croyais encore bêtement en l’adulte, assistée parmi des milliards d’autres, voilà que j’ai forcé la porte à peine blindée. Tombée d’un fragile nuage, emportant avec moi des rêves encore inachevés en espérant pouvoir les placer entre les mains de plus forts.

 

« On est jamais mieux servit que par soi-même », c’est valable partout, tant qu’on dévale la pente sur du hors piste. Il s’agit de trimbaler son reflet dans sa poche en permanence avant de pouvoir le glisser discrètement dans le manteau d’un autre. Puisque la passivité est la pire chose qui puisse m’arriver, autant secouer les autres, victimes de ma passionnelle et nerveuse quête d’identité.

« Come gather 'round people

Wherever you roam

And admit that the waters

Around you have grown

And accept it that soon

You'll be drenched to the bone.

If your time to you

Is worth savin'

Then you better start swimmin'

Or you'll sink like a stone

For the times they are a-changin'. »

Comme une chanson de Bob Dylan, on ne sait jamais si c’est un début ou une fin, juste les deux à la fois, ambition et nostalgie créant l’adrénaline, un sentiment de puissance humaine et d’union. Ou comme un discours d’Hitler, se laisser porter passivement par le courant quelque soit la fin, tragédie ou happy end, juste sentir la foule en excitation générale. N’avoir aucun pouvoir sur les fourmis qui chatouillent tout notre être, noyé de phenylethylamine, acide jaillissant de notre faible cortex cérébral rongeant au passage le peu de neurones actifs.

La lâcheté est un jeu inconscient, marcher dans la rue en se remémorant les bonnes impressions que l’on a faites, oubliant les conséquences à venir des erreurs en s’amputant d’une moitié de notre être. Observer notre reflet dans des eaux troubles d’hypocrisie et de diplomatie en se convaincant d’être pleinement conscient, d’avoir assumé la cruauté qui coule dans nos veines depuis la genèse. L’incapacité de cerner la haine, la refouler à l’infini, nous y voilà, à l’Homme.

Hasard, ami fidèle, flot d’incontestables excuses, qui a dit qu’on ne pouvait pas te forcer un peu la main ? Privé de son refrain, l’air des opportunités n’a aucun sens. Il faut savoir le choper, l’adopter et surtout le flair, mon cher, le flair est fondamental.

Une partie de chasse infernale, du cannibalisme à gogo. Le gibier est rare et  difficilement corrompu par nos vérités conscientes. Le plus grand danger est de se faire arracher le fusil des mains, ne plus pouvoir percer l’avenir de nos ambitieuses et arrogantes balles. Il en faut de l’égo pour croquer la chair des opportunités, c’est certain, on ne joue pas avec la nourriture. Au delà du maigre festin il faut éviter de s’empoisonner, la proie ne doit en aucun cas nous atteindre. Faire le tri tout en maintenant la cadence, séparer les ligaments du muscle pour savourer pleinement. Mais la règle fondamentale demeure, vivre.  À côté de ce manège nos proches cessent de nous attendre, il faut retomber sur terre, souvent en trébuchant, l’âme funambule sur un fil de regrets, encore plus seule qu’auparavant. Aucun moyen de faire vivre, de partager cette singularité qui forme notre esprit, on nous demandera juste de s’adapter à défaut de ne pas pouvoir faire revivre le passé.

Que l’on soit d’un côté ou de l’autre de la vitre, on désirera toujours le reflet alléchant que nos souvenirs sournois nous injectent dans le crâne. L’impression d’être soudé à quelqu’un en ayant échangé quelques notes de musique avec, s’éprendre d’une proie depuis trop longtemps, illusion obsédante ou le réel, les origines de ma chair se ridant au rythme effréné de ma partie de chasse. Tout ça est vertigineux, trop rapide pour être éprouvé pleinement. Après tout, on est jeune qu’une fois.

« The line it is drawn

The curse it is cast

The slow one now

Will later be fast

As the present now

Will later be past

The order is

Rapidly fadin'.

And the first one now

Will later be last

For the times they are a-changin'. »